Rachat Camaïeu : futur acquéreur et perspectives du commerce de prêt-à-porter

Un rideau baissé sur une vitrine familière : voilà l’image qui hante encore les habitués de Camaïeu, enseigne jadis incontournable des centres-villes. Pourtant, derrière les stores métalliques, une bataille discrète s’engage pour ressusciter la marque, objet de convoitises inattendues.
Que peut espérer le prêt-à-porter français d’un éventuel repreneur, alors que l’industrie vacille entre crise et renouveau ? Derrière les chiffres et les offres, c’est toute une vision du commerce, du style et de l’attachement à la marque qui se joue, sous le regard attentif des clientes fidèles et des investisseurs.
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Plan de l'article
Pourquoi Camaïeu s’est retrouvé au cœur d’une crise du prêt-à-porter
Camaïeu, née à Roubaix en 1984, a longtemps rythmé la garde-robe de la France populaire et urbaine. Plus de 1 000 points de vente à son apogée, une omniprésence dans les centres commerciaux : la solidité semblait acquise. Puis, le textile s’est lézardé. Au lendemain de la reprise par la Financière immobilière bordelaise (FIB) en 2020, portée par Michel Ohayon, la spirale s’accélère : pandémie, cyberattaque, inflation, raz-de-marée du digital et de la fast fashion. L’étau se referme.
En septembre 2022, la sanction tombe. Liquidation judiciaire, plus de 2 000 salariés sur le carreau, 500 magasins fermés d’un coup. Les invendus partent chez Noz, les rideaux ne se relèveront pas. Le secteur du prêt-à-porter en France encaisse un nouveau séisme. Camaïeu ne fait pas figure d’exception : en 2024, IKKS ferme plus de 60 magasins, André, San Marina, Kookaï, Pimkie emboîtent le pas.
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L’Institut français de la mode (IFM) dresse un bilan implacable : baisse de 4 % du volume des ventes dans la mode en 2023. Les raisons s’alignent. D’un côté, la concurrence agressive de la fast fashion et des géants en ligne. De l’autre, la désertion des centres-villes, le festival des périodes de soldes. Roubaix, fief historique, incarne à lui seul la désindustrialisation textile qui galope.
- Redressement judiciaire : devenu quasi banal, reflet de la fragilité des anciens modèles économiques.
- Fermeture des points de vente : conséquences directes sur l’emploi, l’aménagement urbain et la vie locale.
La crise de Camaïeu cristallise, à elle seule, toutes les failles d’un schéma français malmené par la mue du commerce textile mondial.
Qui sont les candidats au rachat et quelles stratégies envisagent-ils ?
La course à la reprise de Camaïeu attire poids lourds et challengers du marché. Décembre 2022 : Celio s’empare de la marque pour 1,8 million d’euros lors d’une vente aux enchères. Ambition affichée : étoffer son offre, investir le vestiaire féminin, secouer le paysage du prêt-à-porter français. Août 2024 marquera le lancement de be camaïeu : collections pour femme, 12 boutiques pilotes, une plateforme en ligne. L’objectif : réinstaller la marque dans le quotidien des Françaises, atteindre 50 magasins en trois à quatre ans, créer 50 emplois en boutique et 25 au siège.
En coulisses, d’autres acteurs restent aux aguets :
- Beaumanoir (Morgan, Cache-Cache), spécialiste du retail multimarques, surveille le dossier.
- Groupe Mulliez (Auchan, Kiabi), pilier du textile nordiste, garde un œil sur la marque.
- Les fonds internationaux, Carlyle Group et KKR, flairent une occasion de restructuration et de valorisation rapide.
- Les géants européens Inditex (Zara) et H&M Group testent la solidité du marché français du milieu de gamme.
Dans une autre direction, Karine Renouil-Tiberghien et Arnaud de Belabre rêvent d’un retour aux sources radical : une Camaïeu intégralement Made in France, laboratoire d’une filière textile relocalisée et engagée.
Cette diversité de profils dévoile autant de stratégies différentes : relance omnicanale, montée en gamme, ancrage local, digital natif, internationalisation. Chacun déroule sa propre partition pour réinventer la marque, sa distribution et l’expérience proposée aux clientes.
Le marché du prêt-à-porter face à la relance de Camaïeu : risques et opportunités
Le prêt-à-porter français navigue en eaux troubles. Entre disparitions en cascade – Camaïeu, IKKS, André, Naf Naf – et recul des ventes de 4 % en 2023 selon l’Institut français de la mode, le modèle historique des magasins physiques chancelle. La digitalisation et la déferlante de la fast fashion bouleversent la donne.
- Camaïeu détenait encore 8 % du marché du prêt-à-porter féminin en 2020, devant Zara, H&M, Kiabi.
- Septembre 2022 : liquidation judiciaire, plus de 2 000 emplois rayés de la carte, 500 boutiques fermées.
- Le phénomène n’est pas isolé : Naf Naf vient d’être reprise par le groupe turc Migiboy Tekstil, préservant 90 % des postes.
La concurrence a changé de visage. Les enseignes historiques courbent l’échine face à la guerre des prix, l’inconstance des consommateurs et l’urgence à innover. Désormais, la vente en ligne impose ses règles : expérience utilisateur fluide, rapidité d’expédition, personnalisation. Avec be camaïeu, Celio cherche à conjuguer résurrection d’une figure familière et test d’une offre féminine multicanale. Le succès reposera sur une équation délicate : magasins de proximité, stratégie digitale affûtée, promesse de durabilité crédible.
Un jeu d’équilibriste s’impose : risques de cannibalisation, marges sous pression, défiance envers la fast fashion. Mais aussi, potentiel de réinvention, de narration forte, de circuits courts. Chaque mouvement, chaque expérimentation, chaque fermeture est scruté comme un indice ou un avertissement.
Ce que le futur acquéreur pourrait changer pour les consommatrices françaises
La renaissance de Camaïeu sous l’égide de Celio ou d’un autre acteur ouvre un nouveau chapitre pour les consommatrices. La marque féminine revient sous l’appellation be camaïeu dès le 29 août, avec 12 boutiques pilotes et une présence web renforcée. Le plan : 50 magasins dans les trois à quatre ans, embauches en boutique comme au siège. Le mot d’ordre : expérience sans couture entre digital et magasin physique.
- Collections pensées pour accompagner le quotidien, renouvellement accéléré des nouveautés.
- Vente omnicanale : essayage en magasin, commande sur internet, retrait express.
- Prix maîtrisés, promesse d’une qualité supérieure à la fast fashion classique.
De leur côté, Karine Renouil-Tiberghien et Arnaud de Belabre défendent une vision 100 % made in France. Leur credo : séduire celles qui veulent de la relocalisation et de la traçabilité. Circuits courts, ateliers locaux, durabilité érigée en étendard.
Le digital, plus que jamais, s’impose comme l’arène décisive. Les clientes veulent pouvoir comparer, réserver, acheter, échanger, retourner, tout cela sans prise de tête. Les réseaux sociaux deviennent le théâtre des collections, des collaborations, des prises de parole engagées.
Le prochain propriétaire devra trancher : vitesse et volume, ou production locale et vertueuse ? Mode abordable ou éthique irréprochable ? Les consommatrices, elles, attendent des preuves. Pas des promesses.
Devant les vitrines encore closes, la question demeure : qui saura rallumer la lumière sur le nom Camaïeu, sans travestir ce qui faisait battre le cœur de ses clientes ?