Septembre 2022, la sentence tombe : plus de 500 magasins Camaïeu ferment sans préavis. Près de 2 600 personnes, soudainement privées d’emploi, découvrent l’ampleur de la débâcle. L’entreprise, longtemps figure de proue du prêt-à-porter féminin en France, n’a pas résisté à l’érosion de ses ventes et à la lente dégringolade du marché.
La disparition brutale de Camaïeu révèle une vérité difficile à ignorer : les enseignes historiques vacillent face à la montée du e-commerce et à la mutation accélérée du commerce de détail. Le cas Camaïeu soulève de vraies interrogations sur la survie du modèle traditionnel, ainsi que sur les répercussions pour un secteur déjà fragilisé.
Camaïeu face à la tourmente : comprendre la situation actuelle de la marque
Roubaix, 2022. Les stores métalliques baissent, les enseignes s’effacent. Camaïeu, omniprésent dans les villes de taille moyenne et les grandes agglomérations, disparaît du paysage. Plus qu’un simple acteur du prêt-à-porter, la marque servait de repère à une multitude de clientes, séduites par la mode abordable et le renouvellement fréquent des collections.
Mais le système s’est grippé. Les ventes déclinent, la pression concurrentielle s’intensifie, le modèle des grandes chaînes textiles montre ses failles. Camaïeu ne parvient pas à enrayer la spirale. L’arrêt de l’activité marque un tournant pour Roubaix, berceau du textile et siège historique de la marque. Partout, de Lille à Angers, les rues commerçantes portent encore la trace de ce retrait.
Multiplier les collections, s’aventurer sur le segment sport, rien n’a permis d’inverser la tendance. Face à l’accélération de la fast fashion, le rythme traditionnel ne tient plus. Chiffre d’affaires en chute libre, stocks qui s’accumulent, incapacité à réinventer le parcours client : Camaïeu s’essouffle. Les vitrines sont restées vides, le rideau ne s’est jamais relevé.
Quelles causes ont précipité la liquidation de ce géant du prêt-à-porter ?
Derrière la liquidation judiciaire de Camaïeu, une série de difficultés se sont enchaînées. Tout démarre par l’alourdissement des dettes, aggravé par les loyers restés impayés pendant la crise sanitaire. Les boutiques fermées, les clientes confinées, l’activité paralysée. Le tribunal de Lille tranche : le modèle s’effondre.
Michel Ohayon, à travers la Financière Immobilière Bordelaise (FIB), tente une reprise après le premier redressement judiciaire de 2020. L’espoir renaît, mais la réalité du marché est implacable. Primark, Zara, Shein : des mastodontes rapides et inventifs, capables de renouveler l’offre chaque semaine à des prix imbattables. Camaïeu, lui, s’enlise dans la lenteur de son fonctionnement classique.
Voici les principaux éléments qui ont précipité la chute :
- Des impayés importants envers les bailleurs, créant de vives tensions
- Des difficultés de trésorerie sévères, avec une dette dépassant les 250 millions d’euros
- Un réseau de magasins qui s’est transformé en fardeau, au lieu de constituer un atout
La stratégie privilégiant l’immobilier au détriment du cœur de métier textile n’a pas permis de redresser la situation. Les liquidités s’amenuisent, les fournisseurs perdent patience. Fin septembre 2022, la décision tombe : liquidation prononcée par le tribunal de commerce de Lille. Les salariés sont désemparés, les clientes se retrouvent face à des portes closes. Pendant ce temps, Primark continue d’attirer les foules, tandis que Camaïeu disparaît.
Des milliers d’emplois menacés : quelles répercussions pour l’économie locale et nationale ?
La fermeture de Camaïeu va bien au-delà de la disparition d’une enseigne dans les galeries commerciales. À chaque boutique fermée, ce sont 2 600 personnes qui voient leur quotidien bouleversé. De Roubaix à Marseille, jusqu’aux villes plus modestes, le vide se fait sentir, pas seulement dans les rues, mais dans tout l’écosystème économique local.
Cette vague de pertes d’emploi ne concerne pas uniquement les vendeuses en magasin. Les fournisseurs, notamment de nombreuses PME françaises, se retrouvent avec des factures en souffrance. Les transporteurs, les prestataires de services, les sous-traitants : tout un maillon de l’économie est impacté. Avant la crise, Camaïeu générait un chiffre d’affaires d’environ 600 millions d’euros, irriguant un vaste réseau d’entreprises. La fermeture entraîne une série d’effets en chaîne : ralentissement de la consommation, baisse du pouvoir d’achat, contraction de l’activité locale.
Pour mieux comprendre l’ampleur du phénomène, voici les principaux impacts :
- Fermeture des magasins : suppression directe d’emplois de proximité
- Fournisseurs fragilisés par l’arrêt brutal des commandes
- Villes moyennes en perte d’attractivité commerciale, multiplication des locaux vacants
Les conséquences dépassent même les frontières françaises. Belgique, Suisse, Luxembourg : ces marchés secondaires subissent aussi les contrecoups de la disparition de Camaïeu. Une marque populaire du prêt-à-porter accessible laisse derrière elle des centaines de familles inquiètes et des centres-villes à la recherche d’un nouveau souffle.
L’échec de Camaïeu, révélateur des défis majeurs du secteur de la mode en France
La chute de Camaïeu met en lumière les vulnérabilités du secteur du prêt-à-porter féminin. Ce n’est pas un cas isolé : la liste des enseignes disparues ou fragilisées ne cesse de s’allonger. San Marina, Gap France… et d’autres suivront sans doute. Les acteurs historiques font face à une équation difficile : marges qui s’amenuisent, stocks surdimensionnés, concurrence féroce.
Dans les centres commerciaux, les rideaux se baissent, les boutiques ferment les unes après les autres. Primark et Zara dictent désormais le tempo de la mode : des délais de production raccourcis, une offre renouvelée sans cesse, un consommateur habitué à l’instantanéité. Les enseignes françaises peinent à suivre. L’investissement dans la vente en ligne reste timide, la stratégie omnicanale tarde à s’imposer. Longtemps structuré autour d’un réseau de magasins physiques, le secteur doit désormais composer avec des règles du jeu totalement nouvelles.
- La guerre des prix, menée par des géants comme Primark, bouleverse l’ensemble du marché
- Les habitudes de consommation évoluent : le e-commerce redéfinit le parcours client
- Les exigences réglementaires européennes s’intensifient : durabilité, recyclage, traçabilité ne sont plus optionnels
Autre défi : la volatilité des tendances. Les réseaux sociaux imposent leur rythme, la mode se décide désormais en temps réel. Les enseignes françaises, jugées parfois trop rigides, peinent à renouveler l’expérience en boutique. L’échec de Camaïeu cristallise ce moment charnière : le secteur de la distribution textile française doit se réinventer, ou risquer de voir d’autres géants tomber à leur tour. Reste à savoir qui saura écrire la prochaine page de cette histoire bousculée.


